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12.12.2022

En bref

Date

12.12.2022

Contact

Lucie Engdahl
Chargée de relations, a. i.

Julie Wannaz
Responsable communication a. i.

CEAS
Depuis 10 ans, le CEAS collabore à la mise en place de systèmes de collecte et de tri des déchets dans sept petites communes du Burkina Faso et du Sénégal. Grâce à cet engagement, 300 emplois ont été créés, avec à la clé, un revenu stable pour autant de familles

Ville de Renens
Cité de l’Energie et 1er prix Green Award en 2017, la Ville de Renens s’engage de longue date pour la protection de l’environnement. L’action pour une transition écologique et sociale est au cœur de sa stratégie 2021-26, notamment avec un programme de gestion des déchets et une approche axée sur le changement de comportement.

La gestion des déchets, un défi partagé

Certaines thématiques, comme la gestion de déchets, permettent de mettre en perspective les défis communs auxquels toutes les sociétés sont confrontées, au Nord comme au Sud. Sous l’angle de la réciprocité, concept cher à la Fedevaco, les pratiques de collecte, de tri et de sensibilisation mises en place à Renens et dans plusieurs petites communes du Burkina Faso et du Sénégal ont été au cœur des discussions de la seconde partie de l’AG d’automne de la faîtière.

Invités à croiser leur regard, Jean-François Houmard, chargé de programme au Centre écologique Albert Schweitzer (CEAS), et Frédéric Schweingruber, responsable environnemental à la Ville de Renens, ont abordé la thématique de la gestion des déchets et du changement de comportement. Pour ouvrir cet échange, M. Jean-François Clément, Syndic de la Ville de Renens, a rappelé l’importance des valeurs et objectifs partagés, à différentes échelles, par sa commune et par la Fedevaco : amélioration de la qualité de vie, réduction des inégalités et développement durable. Une introduction parfaitement choisie pour aborder les similitudes et divergences de la façon dont la gestion des déchets et le changement de comportements sont vécus et appréhendés dans plusieurs communes du Burkina Faso, du Sénégal et celle de Renens.

Défis et pratiques de la gestion des déchets

Comme l’a évoqué Mme Séverine Evéquoz, première citoyenne du Canton en sa qualité de Présidente du Grand Conseil, l’environnement est une préoccupation centrale de la population. Mais cette prise de conscience fait-t-elle place à des gestes concrets ? Les Vaudois·e·s, bons élèves suisses en matière de tri, produisent cependant une grande quantité de déchets, estimée chaque année à 384 kg par habitant·e. Si l’établissement de modes de consommation et de production durables (ODD12) est l’un des défis majeurs pour la Suisse[1], le Burkina Faso et le Sénégal sont plus proches de parvenir à cet objectif, produisant 2 à 3 fois moins de déchets que la population helvétique. L’enjeu reste toutefois partagé pour ces pays comme pour le reste de notre planète : instaurer un système durable de récolte et de tri des déchets qui touche le plus grand nombre.

L’idée que nous nous faisons de la gestion des déchets en Afrique de l’Ouest est influencée par les images des décharges à ciel ouvert, aux abords des grandes villes. Malgré les problématiques que cela engendre, l’acheminement des déchets vers ces décharges est organisé. Toutefois, dans les petites communes du Burkina Faso et du Sénégal, dans lesquelles le CEAS appuie des projets de gestion des déchets (voir encadré), aucune structure concrète n’existait. Les défis concernaient donc la mise en place de systèmes de collecte et de tri. Dans les cas burkinabé et sénégalais, le fonctionnement repose sur un abonnement payant auquel les gens peuvent souscrire volontairement. Le service est organisé soit par la commune, soit par les habitant·e·s. Les déchets qui pourraient être valorisés (les métaux, etc.) le sont souvent déjà en amont de la collecte, par des filières informelles. Ainsi, les centres de tri peinent à dégager des revenus pour financer leur fonctionnement. À Renens, la gestion des déchets fonctionne, depuis 2013, selon le principe du pollueur payeur, qui a permis de faire un saut quantitatif en favorisant le tri des déchets et en permettant de financer le service. Le défi reste aujourd’hui d’augmenter encore le taux de recyclage de la commune et d’agir à la source, pour réduire la production même des déchets.

Changer les comportements pour faire évoluer les pratiques

Bien que les défis et les ressources à disposition pour instaurer un système durable de gestion des déchets diffèrent entre les communes d’Afrique de l’Ouest et la Ville de Renens, les intervenants se sont accordés sur l’importance de la sensibilisation et de la proximité avec les populations pour prétendre à un changement de comportements. Pour que les gens puissent agir en connaissance de cause, il est nécessaire de les conscientiser aux enjeux de la gestion des déchets, notamment dans les écoles. Au Burkina, le CEAS a utilisé une méthode de psychologie sociale identifiant, dans un contexte, les arguments leviers pour inciter les personnes à changer de comportement. Un premier constat : les campagnes qui démontrent les risques pour la santé d’une mauvaise gestion des déchets n’ont que peu d’impact. Il s’agit également d’aménager le système aux utilisateur·trice·s (simplicité et prix de l’abonnement, proximité de la collecte). Constat soutenu par Frédéric Schweingruber : à Renens, la sensibilisation dans les lieux publics, l’organisation d’ateliers de tri, les déchetterie mobiles ou la traduction du matériel d’information dans de nombreuses langues ont favorisé la compréhension et l’augmentation du taux de déchets recyclés depuis l’adoption de la taxe de 2013. Ainsi, être à l’écoute des besoins de la population et garantir la proximité font partie des clés essentielles pour faciliter les bonnes pratiques dans ce domaine.

Passer à l’étape d’après

À Renens, le souhait est aujourd’hui d’agir en amont, en réduisant la quantité de déchets produite. Cela passe par une consommation durable, la lutte contre le gaspillage ou encore la mise en place d’ateliers de réparation car, pour M. Schweingruber, « le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas ». N’est-il pas possible pour les communes qui ne produisent pas encore autant de déchets que la population vaudoise de « sauter » une étape ? Dans certaines régions du Burkina Faso, ce discours est difficile à tenir, souligne Jean-François Houmard, la production de déchets étant presque un symbole de modernité et d’aisance. Dans ce contexte, c’est l’augmentation du taux de collecte et de recyclage qui est visé, afin de financer le fonctionnement des structures de tri mises en place.

On le constate, ce n’est pas au niveau des solutions pratiques que les échanges entre communes vaudoises et africaines font le plus de sens. L’adaptation au contexte et aux ressources disponibles reste primordiale. Mais ils permettent de prendre conscience de la globalité des enjeux de la gestion des déchets, et de manière plus générale, d’améliorer la compréhension du monde. C’est ici une des missions que la Fedevaco et ses organisations membres se sont fixées.


[1]  Sustainable Development Report 2022 : site interactif sur les objectifs de développement durable en fonction des pays

 


Projets du CEAS

Travaillant depuis plus de dix ans sur la problématique des déchets et de l’assainissement dans des communes du Burkina Faso et du Sénégal, le CEAS et ses partenaires ont organisé, en 2021, un atelier de bilan pour tirer le meilleur de ces expériences :

Au Sénégal, le CEAS a appuyé pendant 10 ans l’initiative et la forte volonté d’un groupement d’une petite ville. Partant de zéro, les efforts se sont concentrés sur l’organisation de la collecte et la sensibilisation. Aujourd’hui, les effets sont visibles : le taux de collecte est de 100% et rend le prix du service abordable. Au Burkina Faso, le CEAS a adopté une approche d’appui à la maîtrise d’ouvrage qui a mis l’accent sur l’appropriation par les autorités communales, la mise en place d’infrastructures et le plaidoyer. Les efforts ont aussi porté sur la sensibilisation et l’appui aux organisations de collecte et de valorisation des déchets. Si les effets ne sont parfois pas visuels (notamment en raison des sachets en plastique), le travail de plaidoyer au niveau des communes et au niveau national montre des signes très positifs : la mise à disposition de terrains (le foncier est souvent une question cruciale au Burkina Faso), la prise en compte des systèmes de tri des déchets sur les budgets communaux et même des investissements. Le prix de l’abonnement reste toutefois encore trop élevé pour la population, et le taux de collecte ne permet pas une rentabilisation du système de gestion. Les efforts seront notamment renforcés sur la facilitation de partenariats entre communes et partenaires de collecte des déchets privés. Mais le financement reste un des défis majeurs actuels : les contextes sécuritaire (plusieurs millions de déplacés internes) et économique (avec la crise alimentaire) ne favorisent pas une vision à long terme et la gestion des déchets n’est plus une priorité de financement des acteurs locaux.